jeudi 23 septembre 2010

Du hasard dans les jeux

Ça c'est un truc que j'ai en tête depuis longtemps, mais que je ne prend jamais le temps de faire au propre.
Le hasard dans les jeux, et la place qu'il prend, c'est un peu un point de clivage entre les joueurs:

Il y a les "stratégie intello" qui veulent un jeu quasi sans hasard, épuré. ils veulent que l'on gagne ou perde parce qu'on a "bien" joué, pas parce qu'on a fait un 6 au dé. ce profil de joueur veut nier l'effet du hasard, ce qui a mon avis est une erreur.
Il y a les "casual sans prise de tête" qui veulent des rebondissements, pouvoir jouer sans savoir qu'ils vont servir de faire valoir pour la première partie et pouvoir s'amuser sans avoir "powergamé" le jeu. pour ainsi dire "au pif, au moins, on a autant de chances que les autres". C'est une erreur au sens où sinon, ils s'amuseraient à jouer à la bataille. et la plupart des gens se lassent vite de cela (et plein d'autres axes selon lesquels on peut "classer" les profils de joueur).
Selon moi, le hasard doit être une source d'opportunité. il doit intervenir pour éviter qu'on se retrouve à jouer, encore et toujours au Go ou aux échecs. Mais effectivement, il ne devrait pas décider de la résolution des actions. il ne devrait pas contraindre les joueurs mais ouvrir l'éventail de ce qui est possible. et ses effets devraient être encadrés d'une part par des probas, et d'autre part par le jeu pour qu'ils affectent "également" tout le monde.

Le hasard devrait, en gros, enchanter la seconde catégorie, tout en fournissant du grain à moudre à la première
C'est assez naïf, mais je pense que cette "place dévolue au hasard" dans le fonctionnement d'un jeu n'est vraiment, vraiment pas définie, et que l'espace d'intervention du hasard est souvent choisi de façon assez bordélique dans beaucoup de jeux

Exemples :
Dans le poker, le hasard est parfaitement à sa place : par la distribution des cartes, il donne aux joueurs des opportunités. A eux de s'en saisir. Sur quelques donnes, il décide du vainqueur, mais la plupart des joueurs de poker vous diront que "quand on joue bien, on gagne".

Dominion : la part de hasard est d'une part relativement encadrée par les probas (shuffle/draw du deck) et d'autre part une source de richesse qui met les joueurs à égalité (génération d'un set de 10 actions).

Contre-Exemples : 
L'age des dieux (qui est très fun au demeurant) où tout choix stratégique est d'une part contraint par une martingale très nette, et d'autre part écrasé, en terme d'impact, par le hasard "tout puissant" qu'il s'agisse des résultats de dé, de l'opportunité de faire des paris (nombre de cartes "de peuple Taille 1" au début) ou de la révélation des possesseurs de peuples en mid/end game.
Armada : où l'impact (délirant) du résultat du dé lors d'une attaque peut jouer entièrement une partie. Le principe est très bon, mais c'est selon moi la granularité qui pèche.

Enfin, voici un autre cas (particulier) qui est souvent considéré comme "une bonne utilisation du hasard" alors que c'est vraiment pas une belle solution selon moi : le joueur peut choisir, en gros, la variance du dé. C'est ce qu'on appelle "un coup de poker": on a peu de chances de gagner, mais si le coup passe, le gain est énorme. mais il n'y aura pas d'affrontement à proprement parler: soit on casse l'adversaire en 2. soit on se fera massacrer. Psychologiquement, c'est attrayant (cela revient, en gros, à "externaliser" la défaite: c'est pas moi c'est le hasard. tout en gardant les bénéfices de la victoire) mais intellectuellement, cela revient à ramener n'importe quel jeu à un tir de pile ou face (et si jouer à pile ou face était passionnant, ça se saurait)

J'explique... voyons les 2 stratégies suivantes :
  • S1 : résultat systématique de 5 (espérance 5, variance 0)
  • S2 : résultat de 0 (50%) ou 10(50%) (espérance 5, variance élevée)
Si ces 2 stratégies "s'affrontent" l'écart entre leurs scores sera systématiquement de 5 : l'un gagne, l'autre perd, de façon très tranchée, mais 100% des parties seront sans intérêt...

Donner au joueur un choix qui, en gros, se résume à l'un ou l'autre de ces stratégies est selon moi complètement con. Cependant, c'est une tendance souvent observée histoire de dire "vous voyez, il n'y a pas de martingale : les 2 stratégies ont autant de chances en moyenne..."

3 commentaires:

  1. Juste un détail sur le hasard, l'aléatoire et l'imprévisibilité. On peut concevoir * un jeu sans la moindre présence de hasard, mais dont l'issue est malgré tout aléatoire puisqu'on ne peut pas prévoir à 100% les actions du joueur d'en face, non ? Je cherche un exemple concret, là...

    Ah ! Corruption ! Il n'y a pas de hasard sauf dans le tirage des enjeux d'enchère (qui sont tous visibles pour tout le monde et qui influence que très minimement la partie - limite on pourrait jouer avec des enjeux croissants ça serait pareil), tout le monde a les même cartes en main, pas de dé, pas de mélange de talon, mais une partie est toujours différente d'une autre et chaque manche est totalement imprévisible.

    Voili voilou.

    *dans les deux sens du terme

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  2. pour la première chose, ça dépend des définitions que tu donne à "hasard" "aléatoire" et "prévisible". On peut concevoir un jeu déterministe mais imprévisible. les échecs en sont un. Si tu parles d'un jeu aléatoire, cela signifie alors que certaines décisions (a priori, le résultat) sont prises au pifomètre. Quelle que soit la source du hasard

    pour reprendre ta phrase, je dirais qu'on peut concevoir un jeu sans la moindre (ou presque) présence de hasard, mais dont l'issue est malgré tout _imprévisible_ (et non aléatoire)

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  3. Jeux où le hasard est là exprès pour alléger le jeu: Jenseits von Theben, Catane, L'Age de Pierre, Roll Through the Ages

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